C’est la première fois que cela se produit dans l’histoire de l’industrie du disque : en 2015, les Américains ont acheté plus de vieux albums que de nouveautés (les nouveautés étant des albums des 18 derniers mois), ce qui n’est pas très engageant pour l’avenir. Ce n’est peut-être là qu’une poussée de nostalgie soudaine, ou un manque d’enthousiasme anecdotique pour la production discographique annuelle, mais c’est peut-être aussi l’amorce d’une pente qui laisserait à penser que le meilleur de la musique est derrière nous. Ou alors, ce sont les effets pervers d’un art devenu produit et d’un artiste devenu combustible de la machine.
On songe d’abord aux phénomènes de mode et de revival qui font qu’après avoir soupé du rock garage sous perfusion 70’s, on écoute aujourd’hui des ersatz de ce qu’on produisait dans les années 80, avant d’écouter bientôt des resucées de ce qu’on faisait dans les années 90 : finalement, au lieu d’écouter Jack White et Lescop, autant aller écouter Led Zep et Étienne Daho, non ?
Mais on songe aussi au fait que la succession des droits d’auteurs et d’édition ne cessent de s’allonger dans le temps, de sorte qu’il est souvent plus rentable de faire son beurre sur l’oeuvre d’artistes décédés (une bonne vieille intégrale en coffret ou un disque de reprises en hommage, c’est simple à faire comme à vendre avec la promo qui va bien), ou de capitaliser sur des valeurs sûres : à quoi bon pousser un petit nouveau dans la lumière et risquer de perdre de l’argent lorsqu’on peut rééditer l’édition 25e anniversaire d’un disque qui a fait un carton, ou en remastérisant l’intégrale d’untel ou d’untel ?
A l’heure où l’Occident vit un présent inquiétant à plus d’un titre, on se demande enfin s’il n’y a pas dans la musique du passé quelque chose de bien plus rassurant que l’avenir qui se dessine, la BO d’un perdu où l’on pourrait se recroqueviller. Une musique qui ferait revivre cette époque bénie où l’essence et la consommation n’étaient pas coupables, où le terrorisme était un mot teinté d’exotisme, où l’on ne parlait ni de crise ni de dette et où nos élites semblaient tenir des discours plus clairs sur le cap à suivre pour naviguer entre les récifs.
A l’image de ces ventes de disque, l’édition 2016 du Winter NAMM semble elle-même en partie tournée vers le passé. Certes, il y a eu quantité de nouveaux produits annoncés, mais combien étaient vraiment nouveaux en définitive ? Combien parmi les centaines proposés portent vraiment la promesse d’une musique différente ?
Je vous rassure, il y a encore des gens pour innover, et il est presque de notre devoir, du coup, à nous musiciens, de les soutenir et de s’y intéresser si nous voulons éviter que la musique de demain ne soit que l’ombre de la musique d’hier. Et c’est bien pour cela que je vous demande de réserver un bon accueil au Seaboard Rise de Roli qui s’annonce comme une bouffée d’air frais dans le monde des claviers : parce qu’on peut jouer là-dessus une musique qu’on ne peut jouer avec aucun autre instrument. Une musique qu’on pourra enregistrer, d’ailleurs, avec le kit de micros Bottle Rocket Mic Locker de Blue : une vraie solution tout terrain dans le domaine des statiques. Au boulot donc !
Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.
Los Teignos
From Ze AudioTeam
PS : Merci à Will Zégal pour avoir l’info sur les ventes de disques américaines.
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