A l’image de Télérama qui collait, en son temps, ses ffff à MC Solaar ou NTM pour donner l’impression de comprendre les jeunes de banlieue, ou à l’image d’Agnès b. qui s’encanaille à financer des expos de graffs et de tags pour donner des airs de Factory à ses boutiques de fripes, les médias traditionnels semblent tous d’accord aujourd’hui pour voir dans The Social Network un chef d’œuvre cinématographique admiraâable, d’une pertinence telle qu’il serait le Citizen Kane de ce nouveau millénaire… Du coup, j’ai beau ne pas détester David Fincher, ni lui en vouloir de ne pas avoir dit grand-chose sur Mark Zuckerberg alors qu’il y avait tant à dire sur Facebook, il est dur de ne pas prendre cet enthousiasme pour une très maladroite tentative de jeunisme de la part de médias angoissés à l’idée d’être has been.
Parce que c’est vrai que ça file Internet : Tandis que MySpace, gloire d’hier, n’en finit plus de se casser la gueule, Lady Gaga fête son 27 234 642ème fan sur Facebook… Je twitte. Non pardon, ça a changé : 27 234 654… Je re-twitte. Ah non, encore : 27 234 675. Bon, je re-re-twitte et je lâche la touche F5 pour revenir à Lady Gaga, qui met quand même 9 millions de fans dans la vue de Barack Obama, dépasse de quasiment 14 millions de fans les Beatles, atomise le Père Noël de 27 170 180 fans, ridiculisant quant à lui le pauvre Jésus de Nazareth qui, en dépit de larges campagnes d’affichage dans toutes les églises de la planète et bien qu’un pays complet soit consacré à ses seules relations presse, ne réunit que 2 439 fans.
Si le fait de se dire que Lady Gaga est à peu près 11 166 fois plus populaire que le Christ peut laisser perplexe, surtout dans les milieux chrétiens, la chose a vite fait de devenir préoccupante lorsqu’on sait que la dame serait sur le point de lancer, au printemps prochain, un parfum dont elle voudrait qu’il porte des notes de « sang et de sperme » (sic… non pardon : twitt). Ca fait peur, je sais, mais au moins, on saura rien qu’à l’odeur si le fait d’avoir 27 millions de fans sur Facebook veut dire ou non quelque chose dans la vraie vie. Cette vraie vie où il y a bien plus que 27 millions de personnes à aimer le Père Noël, à écouter les Beatles, à voter pour Barack Obama ou trouver que, quand même, qu’on y croit ou pas à son machin de résurrection, il avait du style ce Jésus… Cette vraie vie où, quand on est musicien, il faut aussi choisir entre faire de la musique, et tout faire pour accumuler des fans sur sa page Facebook. Parce que les deux n’ont pas grand-chose à voir.
Pour faire une page Facebook, il faut partager beaucoup de vidéos à la con, dire ce que vous mangez quand vous le mangez, où vous êtes quand vous y êtes et ce que vous faîtes quand vous le faîtes. Pour la musique, c’est un peu plus compliqué… Il faut se cultiver, rencontrer des gens, les écouter, se procurer un bon instrument, comme une basse Musicman StingRay par exemple, ou encore un synthé Roland Juno-GI, et puis apprendre : apprendre à jouer de son instrument comme ses idoles, puis apprendre à en jouer avec son propre style, ou encore apprendre à enregistrer une batterie Jazz, puis apprendre à compresser une guitare rock… Tout ça pour qu’à la fin, la musique fasse vibrer les molécules d’air, et que les molécules d’air aillent frapper d’autres tympans que les vôtres, des tympans de gens qui chantonneront votre musique à d’autres tympans encore…
Et pendant que j’écrivais tout ça, Lady Gaga a encore gagné 3010 fans. Mais vous savez quoi ? Aucune molécule n’a bougé…
Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.
Los Teignos
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